L’incarnation

Dans un monde qui se virtualise, la façon d’être là, présent devient un sujet. Avant être là, c’était être présent physiquement, intellectuellement et émotionnellement disponible, attentif.

Elle dit qu’elle est contente

Quand on est loin, le téléphone mise tout sur la voix, les intonations, les silences, les sourires que l’on entend. Les logiciels qui ouvrent au partage d’écrans y ajoutent les expressions des visages et l’environnement. Les messageries pallient à ce manque avec des émojis ou des avatars, des expressions virtuelles qui donnent un important complément d’information. De l’environnement, on passe à l’ambiance avec des photos, des vidéos. La voix m’immisce à nouveau, elle arrive dans la conversation écrite par messages vocaux interposés. Voix, messages, visualisation du visage ou de l’environnement, photos, vidéos, sont des retours d’information qui s’associent pour porter au mieux l’émotion naturelle d’une conversation. L’hologramme, désespérément froid, qui dédouble l’être humain autant fois qu’il est souhaité, semble pouvoir tout faire, sauf à se laisser toucher.

Contre toute attente, il y aura un regain d’intérêt pour la présence physique réelle. Au-delà de toutes ces nouvelles technologies, elle dira plus qu’avant. Elle dira une empathie, une volonté d’être avec l’autre, de partager de la chaleur, des gestes, de se toucher. Elle montrera un effort d’accompagnement, une proximité à l’autre qui deviendra fortement émotionnelle, avec, en ligne de mire un simple geste pour rassurer, encourager, transmettre une énergie. Les marques aussi auront besoin d’incarnation, pas seulement dans un (une) patron (ne) ou une égérie mais dans les clients qui portent cette marque, de vrais gens qui la défendront physiquement, qui la montreront dans leur environnement intime, qui en seront fiers et en deviendront les meilleurs ambassadeurs.

L’objet au service du service

Ces dernières années, les services ont explosé, essentiellement portés par le smartphone, lui-même dédié à 100% au service. Rares sont les exemples, où un objet physique existant se transforme au service du service.

Des tabourets de bar au service du service

C’est le cas de la chaise devenue tabouret de bar, qui offre la fluidité de prendre un temps de repos sans prendre le temps de s’assoir, elle est haute et n’a plus de dossier. C’est le cas du taxi londonien qui accueille véritablement le voyageur avec valises. La voiture du particulier reste plutôt mal lotie. Certes, il existe quelques avancées comme les ouvertures de portes sans clé qui facilitent les entrées & sorties, mais c’est le smartphone, juste ventousé à la planche de bord, qui a raflé l’accès à la plupart des services, laissant la voiture inchangée. Même les véhicules utilitaires n’ont pas tout à fait réussi à s’adapter aux innombrables usages professionnels qui feraient d’eux des outils de travail efficaces au quotidien. Les VTC n’ont pas transformé la voiture pour rendre leurs services plus agréables. L’objet automobile « en dur » et aussi « en soft » montre finalement peu d’adaptation au service.

Le robot véhicule (autonome sans conducteur) montrera dans le futur une très forte adaptation au service, explosant tous les codes automobiles classiques. Il sera conçu de l’intérieur, il portera la marque de la ville qui l’utilise, il sera nettoyable, « purifiable », très accueillant, on le verra comme un morceau de la ville qui bouge et pas comme une automobile.

Le mouvement montre beaucoup de grâce et de modernité

Les grands-parents, les parents, les enfants peuvent maintenant s’habiller de la même manière : un tee-shirt et un jean. Il n’y a plus, comme avant, de code vestimentaire générationnel. C’est la capacité à bouger, à remuer, qui caractérise les silhouettes jeunes. Elles courent, dansent, trépignent, fonctionnent par essai – erreur, s’agitent, expérimentent, tentent, se rétractent, se rencontrent, parcourent le monde. Elles sont dans l’action. La très jeune génération marque une rupture supplémentaire, elle ne marche plus, elle roule ! en poussette puis trottinette, draisienne, skate ou vélo. Ces accessoires de plus en plus nombreux permettent un mouvement individuel et rapide qui est très nouveau.

Des draisiennes pour les tout-petits

Plus classiquement, le véhicule électrique trouve sa modernité dans son accélération. Il est agile et se faufile aussi dans la ville.

La lumière et le mouvement sont les premiers signes de vie d’un objet. Il y a de la grâce dans le mouvement d’un robot qui s’anime, une élégance, une précision, des surcapacités et une répétabilité sans fatigue qui portent de la modernité.

Pour la plupart des clients et usagers, la seule technologie ne suffit plus à donner du sens

La technologie actuelle parle de performance. C’est souvent fait de choses froides en « ique », c’est de la mécanique, de l’électronique, du numérique. Ce sont des choses que l’on peut mesurer, dont on peut être le 1er, la vitesse, la puissance, la hauteur, … Demain, il y aura des technologies ou des concepts qui vont nous dépasser, comme l’intelligence artificielle ou le big data. On y parlera de quantités colossales, à l’échelle humaine, on se sentira terriblement écrasé.

Ce ne sera pas notre quotidien, ce ne seront pas les émotions de la vraie vie. On va sentir la nécessité de partager des petites choses qui nous parlent, qui nous touchent. L’usage devra avant tout donner une émotion, faire un clin d’œil, amener à partager quelque chose, donner du sens. Bien-sûr la technologie sera toujours très utile et nécessaire pour rester dans la course, mais elle deviendra de plus en plus froide et lointaine. Il faudra la réchauffer avec des petites attentions, lui donner un caractère original, la rendre douce & unique. C’est l’émotion de la marque qui donnera ce sens.

Le « un peu » qui bouleverse les vérités

Déroutant pour les cerveaux cartésiens, il est à l’origine de solutions hybrides ou légères, il oblige à réfléchir autrement ce qui est entier, présent, d’un bloc,… allégement drastique voire amputation, de l’entre-deux, de l’à-peu-près. Adaptable, le « un peu » surprend de simplicité, allège le quotidien.

L’oignon qui s’effeuille comme une multitude de couches de protections empilées

Cela peut être les petites solutions qu’on empile, couches de vêtements dont on se couvre & découvre au fil de la journée ou bien le transport multimodal : un saut en voiture, un peu de métro, on finit à pied. Cela peut être aussi ce qui n’opère pas complètement comme le post-it, la fenêtre oscillo-battante ni ouverte ni fermée, voir sans regarder. Cela peut être une goutte de…. qui apporte douceur, légèreté, liberté comme le Lycra. Source d’innovation inépuisable, le « un peu » s’effeuille, se superpose, coopère par petites touches successives, se révèle dans l’association du virtuel & du réel.

Dire les choses vraiment & banalement

Dire les mots de tous les jours : ceux que les communicants ont oublié, parlant à l’entreprise & aux actionnaires plus qu’aux employés. Eux ne savent plus très bien de quoi l’on parle.

Le jargon protège, montre une expertise, du sérieux, mais il met à distance. Il autorise peu d’émotions, peu d’étonnement. Les mots sont alors stéréotypés & lisses, vocabulaire triste & sans âme, les mots glissent sans aspérité. Il est donc utile de ne pas jargonner, de donner du sens aux phrases avec un vocabulaire ordinaire, pas nécessairement simple car de nos jours les choses et les situations sont complexes, de porter un jugement, de montrer des envies, des choix, des priorités, des aspérités, des refus. Parler simplement dans sa langue maternelle, inventer d’autres façons d’échanger, des images, dessins, constructions originales, de nouvelles libertés d’expression